jeudi 31 décembre 2009

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Monsieur, vous pourrez vous inventer toutes les légendes que vous voudrez pour fuir l'insomnie; vous pourrez vous construire un personnage et vivre de fantasmes et d'aventures; il y aura des murs à abattre et des belles à délivrer et des épreuves à affronter. Pendant ce temps, vos conquêtes s'éternisant, elle ira, pas du tout tranquille, pas trop sûre d'elle ni du chemin, mais elle ira, oui,
comme une femme.
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Apologie de l'ignorance

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des brouillons
des esquisses
des projets


ne pas s'y lancer;
ça a trop de valeur pour risquer d'échouer
faudrait pas rater ça, faque bon, on n'essaiera pas,
tout d'un coup que...
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la folle au grenier

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une éponge saturée

on la tord un peu
et voilà qu'elle s'échappe

en ai appris, des affaires
mais rien retenu

suis incontinente

[toujours recommencer,
etc.]
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lundi 21 décembre 2009

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Ma belle,
on peut pas continuer à faire attention à toute
on va se cogner pis se faire des bleus
pis saigner pis en baver pis morver
c'pas grave

ça fait peur en crisse de se découvrir fildeféristes
mais tu peux marcher tranquille

ne crains plus le vide,
j'serai ton filet
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Il me pressait de ses avances et se plaignait de mon silence. (Je n'avais jamais pensé à lui, mais je me gardais bien de le lui dire.) Me donnant le choix entre la haine et l'amour - comme s'il y avait une véritable opposition entre ces deux sentiments - il me disait: chéris-moi; ruine-moi. Je lui ai dit que je l'aimais; je n'ai jamais cherché que l'efficacité (je n'avais plus de temps à perdre à ces enfantillages). Bien satisfait, son ego flatté, il s'est finalement tu et j'ai pu continuer mon chemin, peinarde.
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jeudi 17 décembre 2009

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il est mort
vous êtes des charognards

l'aimiez-vous
avant
quand encore
il pouvait vous répondre

je vous aime

serait-ce son absence
son silence chargé de vos mots
qui vous le rend grandiose

rien de plus vivant,
quand on sait s'y prendre,
qu'un cadavre.
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mardi 15 décembre 2009

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osti d'folle,
calme-toé; tu m'énarves.
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au bout, il y avait l'issue
maintenant, tu sais pu.

une porte ou une fosse à marde.


ton intelligence.
tu n'en avais jamais douté
maintenant, tu sais pu.

t'es peut-être une crisse de cruche,
pas pire à échouer,
comme une épave.

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jeudi 10 décembre 2009

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t'es comme le sida,
même si tu me ronges
que tu m'avales
me détruis
me tues,

j'peux rien y faire;
tu resteras là pis je t'oublierai pas.
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dimanche 6 décembre 2009

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Blanchot: "dans la rue, lorsqu'on se rencontre, c'est toujours avec surprise et comme par erreur; c'est qu'on ne s'y reconnaît pas; il faut, pour aller au-devant l'un de l'autre, s'arracher d'abord à une existence sans identité". (L'entretien infini)

Bien vrai, ainsi que lorsqu'on se donne rendez-vous, quelque part, on se prépare à être, à exister; et en fait, nous nous "préparons" différemment selon qui nous rencontrons.
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Y'en a pas, de fond, à l'absence, au manque.
Même la présence temporaire n'y peut rien:
le plein n'est jamais plein.
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Le désir s'en va
quand la présence excessive
annihile le silence nécessaire à l'absence.
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Pour se retrouver,
suffit de se quitter un peu.
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Ça peut paraître bien bête, mais
après tout, et malgré tout, on ne demande qu'à croire.
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J'habite au sous-sol d'une maison sans toit.
Hier, je les ai vus partir.
Sans pleurer, sans se tordre, sans saigner, sans crier.
Sans moi.
J'ai su qu'ils ne reviendraient pas.

Je n'ai plus (de) raison de me tuer;
personne pour me regarder partir.

Je n'existe plus, et pourtant, je ne suis pas morte.
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samedi 5 décembre 2009

l'état-limite



l
a

g
o
u
t
t
e

d'
e
a
u


ton
front érodé

jusqu'où iront-ils ?

le risque tentant
de ta folie.

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Analyser, synthétiser, comprendre, expliquer...



Tout ce temps passé à l'apprentissage,
et puis
on se rend compte enfin
que ce qui nous attache, nous retient
nous empêche de nous tuer, nous exige,
c'est l'irréductible, l'inexplicable,
le plus-grand-que-nous, l'incompréhensible, l'insaisissable.

Ah, misère.
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Ça a pas de sens (comme si ça dérangeait quelqu'un).

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Toujours
que
de
la
théorie.
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Nous sommes déchus, mais ce n'est pas grave.
Nous continuons quand même, toujours, et pas pour le mieux, non, mais faute de mieux, justement. Il n'y aura pas de mieux, nous le savons, nous n'y travaillons même pas, et voilà comment nous trouvons notre satisfaction. Bonheur lâche, mais bonheur, oui.

Nous n'avançons que dans l'abîme.
Peuplade de débiles, conscients de leur sort.
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